top of page
Rechercher

COLERE ET FRUSTRATION.QUAND ÇA LES DEPASSE, ÇA NOUS DEPASSE.


La colère est un état émotionnel bien connu des parents de jeunes enfants. Mais qu’elle est l’origine des émotions ?


Les neurosciences affectives se sont intéressées à cette question et ça en dit long sur la colère de nos chers chérubins ! La maturation cérébrale se fait lentement et se développe grâce aux expériences répétées de l’enfant. Et ce que nous disent les études à ce sujet, c’est que le cervelet, qui est situé à l’arrière de notre crâne, et qui a pour rôle notre survie, est la seule partie de notre cerveau qui est mature à la naissance. Ainsi, les réactions de notre bambin face aux informations qu’il perçoit dans son environnement, vont se faire de façon réflexe, afin de garantir sa survie. Et tout cela se produit sous l’effet de sécrétions hormonales qui vont activer les fonctions motrices, pour que le corps réponde en fonction de ce qu’il a perçu de son environnement. Remontons dans le temps, à l’ère de nos aïeux préhistoriques, pour qui la survie passait par des réactions d’attaque ou de fuite. Et maintenant, revenons aux réflexes de notre bout de choux (réflexes reptiliens), qui selon son âge et ses capacités, s’exprimera par des pleurs, s’agitera, tapera, mordra, criera… Autant d’expressions corporelles qui ont valeur de communication en réponse à un besoin de survie.


Alors ? Caprice ou pas caprice ? Eh bien, je vous dirais simplement que la réponse est là, située dans son cervelet ! Ses réactions sont l’expression d’un besoin, quel qu’en soit la valeur au regard de nos perceptions d’adulte, pour lui, il en va de sa survie ! Et il faudra attendre 5-6 ans pour que le cerveau limbique, qui gère les émotions et régule les réactions du cervelet, mature suffisamment pour que notre loulou commence à bien contrôler ses émotions.


Et Le « NOOOOOON » dans tout ça ?

Oh oui ! Qu’il nous est difficile de l’entendre ce « NON », et comme il est difficile de leur dire « NON » à notre tour et de nous confronter à leur frustration et leurs agitations colériques !

Bon ! Reprenons depuis le début ! Voyons comment ça se passe dans le ventre de maman ! Pas si confortable que ça hein ! Et qu’est-ce que c’est que ces agitations pendant que je somnole dans le placenta de maman ? Et oui, le fœtus éprouve déjà des sensation, in utero. Puis quand il naît il découvre la faim ! Mais pas si longtemps que ça ! On vient rapidement répondre à son besoin lorsqu’on entend bébé se manifester (tient tient! revoilà nos reflexes archaïques, les pleurs, pour assurer sa survie, ici l’alimentation, voir plus haut). Et le nourrisson comprend bien vite, vers 2 mois, qu’il y a un être avec qui on peut communiquer et auquel il va adresser un « sourire social » en réponse aux stimulations. C’est un des premiers organisateurs, qui permet à l’enfant de se développer et de devenir sujet, tel que nous l’explique Spitz1. Le sourire social est une forme de communication orientée vers autrui, nous informant d’une évolution intellectuelle de l’enfant qui prend conscience, partiellement, de l’existence de cet autre qui lui apporte des soins. Ains, cela nous indique que l’enfant commence à développer une conscience de soi, à devenir sujet.


Il comprend donc petit à petit qu’il y a un autre, puis autour de 8 mois, il poursuit sa différenciation soi-autrui en intériorisant l’image de l’autre qui prend soin de lui. C’est la raison pour laquelle à cette époque on parle « d’angoisse de l’étranger », puisque ses capacités à discriminer les visages inconnus parmi ceux qu’il connait, l’alertent (encore une question de survie). Attention ! Lui dit son cerveau. C’est une personne que tu ne connais pas et qui pourrait prendre la place de papa-maman ! Alerte ! Alerte ! Sécrétion d’hormones, à vos marques, c’est parti !!! et les pleurs et l’agitation s’en suivent !


Vous allez me dire, non, pas avec le mien ! Oui, ce n’est pas une réaction automatique chez tous les enfants, et cela est normal ! Tout dépend d’un ensemble de facteurs, et de modes diversifiés d’expression de l’enfant, dont nous pourrons reparler prochainement ! Mais voilà un mécanisme majoritairement observé et qui participe aussi, au développement de l’identité du sujet. C’est le deuxième organisateur.


Nous arrivons enfin à notre fameux « NON », expression d’opposition ! Troisième organisateur décrit par Spitz, qui aura une grande importance dans la construction de l’individu, séparé et « individué » ! lorsque l’enfant est capable d’exposer ses choix, différents d’autrui, on peut alors comprendre que l’enfant à totalement intégré la présence d’autrui et constitué une représentation de lui entant que sujet.


Le NON c’est une manière de s’affirmer ! Et c’est jubilatoire quand on a enfin du contrôle sur soi, sur ses choix et sur l’autre ! Enfin, on peut dire ce qu’on veut et qui nous sommes ! Et cette période se situe à un moment phare : développement de la propreté avec le contrôle du sphincter (contrôle du corps), développement du langage (contrôle de la parole, échanges sociaux, et expression de ses désirs et besoins), reconnaissance de soi dans le miroir (apparition du pronom « je » et développement du schéma corporel, car ça y est, on se voit pour la première fois en entier lorsqu’on comprend que celui qu’on voit dans la glace c’est soi).


Ça y est ! C’est l’achèvement de l’être qui devient un sujet à part entière ! Bon ! L’histoire ne s’arrête pas là, puisqu’on ne peut laisser ce sujet dont la construction est encore à faire, et tout cela passe par des limites !

Et oui ! Etrangement, ces limites vont le rassurer ! Ces limites, ce sont les règles de ce monde qu’il commence à comprendre mais dont il lui reste encore tant à apprendre ! et c’est par nos limites d’adulte que nous pourrons contenir, rassurer et surtout enseigner à ce petit d’homme comment devenir autonome. Poser des limites c’est donner un cadre, enseigner les dangers, informer, et offrir des outils pour que l’enfant devienne à son tour adulte ! Alors, il nous appartient de lui poser ce cadre mais surtout de lui transmettre les informations qui expliquent ces limites pour que ces règles deviennent siennes !


Oui, mais comment on fait face à leur frustration du coup ?

Ah ! Ce n’est pas facile ! Ça demande de la patience, de la remise en question, de faire des erreurs parfois pour pouvoir mieux rebondir et trouver de nouvelles solutions, de nouvelles stratégies ! Chaque enfant est différent et chacun d’entre nous est différent, alors il n’y a pas de règles magiques sur le comment faire ! C’est une question d’adaptation au quotidien.


Il faut néanmoins savoir poser des limites tout en informant l’enfant des raisons de l’existence de ce cadre qu’on lui impose. Il faut également enseigner à l’enfant à gérer ses émotions en lui apprenant à les différencier et en lui donnant des outils pour savoir les contrôler. Cela passe par les jeux, les chansons, les lectures de livres où l’on peut interpréter avec l’enfant les émotions des personnages (« tiens, tu vois ce personnage ? Pourquoi il pleure à ton avis ? Moi je pense que c’est parce qu’il est triste parce que… »). Le doudou, la tétine, un câlin, un espace cocooning ou un espace d’expression de la colère, sont également des outils pour permettre de contrôler les émotions. De plus, les câlins, tétine, doudou, permettent la sécrétion d’endorphine qui a un effet calmant et qui est donc relativement efficace pour désamorcer la sécrétion d’hormones excitantes, lorsque l’enfant se sent angoissé, en colère, frustré…


De nombreux autres outils sont à disposition dans l’environnement pour accompagner l’enfant dans le développement de son intelligence émotionnelle (ne pas hésiter à demander conseil aux professionnels de la petite enfance autour de vous pour vous conseiller sur des outils et méthodes que vous pouvez tenter d’adopter chez vous, ou même de leur partager vos propres expériences). Nous le voyons d’ailleurs, l’enfant qui a des outils pour exprimer sa frustration (verbalisation, gestuelle, dessin, pictogrammes…) arrive bien mieux à la contrôler. Les neurosciences affectives montrent également que lorsqu’on stimule positivement et régulièrement l’enfant, cela consolide et renforce ses connexions neuronales et fait donc maturer son cerveau. C’est fabuleux de voir combien le fait de simplement donner des soins, poser un cadre et jouer avec l’enfant, peut le rendre performant, le faire grandir et s’épanouir !



 

1 René Spitz, psychiatre et psychanalyste Américain, d’origine hongroise (1887-1974).


Bibliographie

R. Spitz « L’embryogenèse du moi. » Ed. Complexe, Bruxelles, 1979.

R. Spitz « Le Non et le Oui. » P.U.F. éd, Paris, 1962.

C. Guéguen « Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. »

 
 
 

留言


bottom of page